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Contamination aux PFAS en Alsace : quelle est la situation ?

En février dernier, le Forever Pollution Project, consortium international de journalistes d’investigation publiait le résultat d’une enquête au long cours sur la présence des PFAS dans l’environnement. Les données utilisées proviennent de sources diverses, dont celles du projet INTERREG V ERMES-Rhin 2016-2018 (Évolution de la ressource et monitoring des eaux souterraines du Rhin supérieur), coordonné par l’APRONA. Le grand nombre de sites contaminés en Alsace, par rapport au reste de la France, suscite de nombreuses interrogations. Faisons le point sur la situation.

 

Que sont les PFAS ?

Les substances per- et polyfluoroalkylées constituent une vaste famille de plus de 4000 composés regroupés sous le terme PFAS. Utilisés depuis les années 40, certains d’entre eux font l’objet d’une attention particulière en raison de leur toxicité avérée ou suspectée.

À quoi servent-ils ?

Textiles hydrofuges, revêtements antiadhésifs, imperméabilisants, emballages, papiers glacés, lubrifiants, mousses anti-incendie, cosmétiques, produits phytosanitaires : ils sont fréquemment employés dans l’industrie et se retrouvent dans de nombreux produits d’utilisation courante.

Comment contaminent-ils l’environnement ?

Étant donné le large éventail d’usages, les sources de rejet dans l’environnement sont multiples et de différentes natures : effluents de stations d’épuration d’eaux usées, épandages de boues d’épuration d’eaux urbaines ou de papeteries, lessivage  de surfaces contaminées (ex :  mousses anti-incendie utilisées par les pompiers en cas de feu), lixiviation des décharges d’ordures, pollutions industrielles (rejets atmosphériques, fumées de combustion), usures des nombreux matériaux contenant des PFAS, etc. …

Pourquoi sont-ils préoccupants ?

En raison de leur toxicité et de leur persistance dans la plupart des compartiments de l’environnement, et notamment dans les eaux souterraines comme le montre la campagne ERMES-Rhin 2016-2018. Ils sont constitués d’une chaîne d’atomes de fluor et de carbone, une des liaisons les plus stables. Étant très mal dégradés, ils s’accumulent dans les écosystèmes, contaminant les réseaux trophiques et les organismes vivants par bioaccumulation.

Selon l’Anses, « ils provoquent une augmentation du taux de cholestérol, peuvent entraîner des cancers, causer des effets sur la fertilité et le développement du fœtus. Ils sont également suspectés d’interférer avec le système endocrinien (thyroïde) et immunitaire ». L’effet des PFAS sur le système immunitaire a récemment été mis en exergue par l’EFSA qui considère que la diminution de la réponse du système immunitaire à la vaccination constitue l'effet le plus critique pour la santé humaine.

Sur la carte du Forever Pollution Project, la zone couverte par la nappe rhénane en Alsace est constellée de points rouges… Est-ce que la pollution aux PFAS y est plus importante qu’ailleurs en France ?

Cette densité de points s’explique par un contexte particulier : ces données proviennent de l’état des lieux produit grâce au projet INTERREG V ERMES-Rhin 2016-2018 sur la présence de polluants dans la nappe rhénane. Cette campagne, volontaire et prospective, inédite en France, a été effectuée sur un grand nombre de points de prélèvement. En Alsace, les résultats pour les PFAS montrent la présence d’au moins une de ces substances pour près de 80% des points de mesures investigués, majoritairement à des concentrations comprises entre 0,001 µg/L et 0,1 µg/L. Ce sont ces valeurs, plus que le nombre total de points apparaissant sur la carte du Forever Pollution Project, qu’il faut comparer aux autres territoires.

Est-ce que chaque point indique qu’une contamination a eu lieu à cet endroit précis ?

L’origine précise des contaminations peut être difficile à établir, en raison de la multiplicité des sources d’émissions et de la très longue durée de vie de ces substances. Les cours d’eaux sont des voies de transfert lorsqu’ils réceptionnent des eaux contaminées, notamment les rejets de stations d’épuration. Les échanges entre ces cours d’eau et la nappe peuvent conduire à une contamination de cette dernière.    

De plus, les points de mesures du programme ERMES-Rhin 2016 n’ont pas été sélectionnés pour se focaliser sur les sources de pollutions, qu’elles soient industrielles, agricole, etc.  Le réseau de points de prélèvements a justement été construit pour établir un maillage surfacique couvrant le plus uniformément possible la nappe, pour rendre compte au mieux de la répartition globale de ces polluants dans la ressource.

Enfin, ces résultats constituent une photographie à un instant donné. Il n’est pas possible d’affirmer que les concentrations relevées en 2016 sont similaires aujourd’hui. L’APRONA coordonne actuellement un nouveau projet : ERMES-ii Rhin/Rhein 2022-2025. Les résultats sont attendus pour 2025 et apporteront des informations sur l’évolution de cette pollution encore mal connue.

 

Pour aller plus loin :

Les résultats détaillés de l’étude ERMES Alsace (volet alsacien du programme ERMES-Rhin 2016)

Un article sur le site l’Anses (réglementation et toxicologie)

 

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